Rencontre avec :
Vax1

Tout aficionados des évènements hip hop lyonnais a déjà entendu ou lu « Vax1 » quelque part dans la ville. De la Marquise au Marché gare, sans oublier le quartier de la Guillotière où il a composé ses trois projets, le rappeur/ingénieur son/beatmaker n’a eu de cesse d’aiguiser et partager son art. Du rap à l’électro, en passant par la soul et le funk, Vax1 dispose d’une large palette musicale qu’il agrandit continuellement. Et pour le rencontrer, quoi de mieux que la Guill’ aka son QG ? Le rendez-vous est donné une semaine avant son concert en première partie d’Isha à Bizarre!. Après s’être rejoints vers l’église Saint-André, nous marchons quelques mètres et nous installons à la terrasse du Livestation DIY.

Du saxophone au sample

 

Très tôt, Vax1 rencontre celle avec qui il passera le reste de sa vie : »Quand j’étais petit j’ai fait du saxophone à 10 ans, j’ai fait de la batterie au collège, deux ans. Mes parents nous ont inscrits mes frères et soeurs dans la musique. […] Inconsciemment j’ai poursuivi de mon côté. J’avais un groupe avec mon frère, je faisais de la basse. Après ça, quand je suis arrivé sur Lyon, j’ai rencontré des potes de potes avec qui on a fait du rap. Ca a donné la Microfaune ». Bien qu’il soit déjà un bousillé de hip-hop, c’est avec eux que Vax1 fait ses gammes en tant que rappeur : « On kiffait tous le rap, on se retrouvait et on freestylait. […] On était huit. Vraiment on kiffait, on se retrouvait une fois par semaine pour ça… et après ouais, il y a eu un noyau dur qui s’est détaché. On était plus que trois : Barbiok, Double A et moi. Et Panda [Dub] qui faisait des instrus. »

En 2012, le groupe publie une compilation de leur morceaux qui s’avère être leur unique projet à ce jour. De son côté, Vax1 sort son premier album, Dans mes veinesRéalisé en autoproduction, il produit ses instrus, réalise le mixage et partage le mic avec Hippocampe Fou ainsi que les rappeurs underground du moment comme Le Bon Nob, K-Oni, Anton Serra ou encore Yoshi Di Original. Evidemment, on retrouve les lyonnais Robse et des membres de la Mégafaune, un collectif qui englobe la Microfaune et d’autres rappeurs lyonnais. « [Avec la] Microfaune on fait pas de nouveaux sons ensemble. On continue à se voir, mais plus dans le cadre du collectif Mégafaune. On est sur un projet…« .

En 2015 la sortie de son deuxième album, Acubens, marque une évolution dans sa démarche artistique. Progressivement, le rappeur, qui un an plus tôt payait son 16 sur une prod de Goomar , s’efface au profit du beatmaker : « Plus tu avances dans une discipline, plus tu deviens exigeant. Tu as plein d’armes… mais en même temps c’est ce qui fait que tu peux te restreindre aussi parce que tu sais… t’as déjà fait beaucoup de choses. Tu n’as pas envie de marcher dans les mêmes pas. C’est à la fois des forces et des carcans parce que tu es exigeant et tu deviens de plus en plus perfectionniste. En tout cas, dans mon cas, c’est ça. Je le vois avec les instrus, ça me le fait grave. Je n’ai pas envie de m’essoufler… mais de me renouveler sans cesse. Et je préfère privilégier ça, les instrus, plutôt que les textes où j’vais mettre une heure à écrire 4 mesures. Après, je ne ferme pas la porte non plus car je sais qu’il y a des phases où j’aurai envie d’écrire. Là j’ai déjà écrit un peu des trucs. Je les garde pour moi…. » Cette volonté de renouvellement perpétuel est clairement symbolisée par son troisième projet solo : Nucleus. Avec ce six titres, Vax1 passe un palier. Après avoir principalement travaillé des sonorités hip hop aux accents soul/jazz/funk, il explore de nouvelles vibes en réalisant un savant mélange entre hip hop, funk et électro. C’est une sorte de carte de visite qui pose les bases : « Exactement. J’ai posé les couleurs. Pour moi, c’est mon projet le plus abouti. En plus, c’est Nucléus qui a fait que l’Or du commun a voulu bosser avec moi. »

« A la base c’est moi qui les avais [L’Or du Commun] contactés pour mon album Acubens. J’avais demandé à Féléflingue, c’est un des gars de l’Or du Commun, de rapper juste un couplet. Il l’a fait. On a toujours communiqué plus ou moins tu vois. Après, on les a fait venir en 2015 à Lyon. C’est nous [la Mégafaune] qui organisions le concert. Du coup il y a eu les 4 qui sont venus chez oim, on a écouté des sons […]. Humainement et musicalement on s’est bien entendu. C’est eux qui m’ont recontacté pour bosser un album ensemble. Ils voulaient un beatmaker. »

« Il y avait des stocks d’instrus que je leur faisais écouter. Et on s’est fait aussi une résidence création tu vois, une semaine dans une baraque. Eux ils écrivaient sur des trucs, moi je faisais des nouvelles instrus. Humainement, c’est important. J’ai vraiment fait les deux : un MC ricain, contact que par internet. Tac, il te fait son couplet, il te l’envoie. Tu le payes. Ça n’a rien à voir avec rencontrer, avoir des affinités. Tu as moins d’histoire… »

Quand la passion devient un métier

De L’Entourage à Hippocampe Fou, en passant par l’album instrumental de Liqid visant à soutenir les enfants victimes du conflit syrien, AMAL (« espoir » en arabe), Vax1 a placé des prods sur pas mal de projets. Pourtant, mis à part pour Double A, avant Zeppelin il n’en avait jamais entièrement produit pour d’autres rappeurs. Grâce à l’impact qu’a eu l’album des belges, et à la qualité des instrus, Vax1 peut désormais consacrer tout son temps à la musique depuis son appart’, en attendant de monter un studio avec un ami : « J’avais un taff jusqu’à octobre [2017] ». Comme quoi « Pôle emploi permet quand même de trouver du boulot… c’est aussi fait pour ça [rires]… J’étais régisseur, à Sous le Caillou [théâtre] à Croix-Rousse ».

Puisqu’il a pour seul principe de faire ce qu’il aime, et que son emploi du temps le lui permet, Vax1 ne s’interdit rien et dépasse encore plus les frontières du hip-hop (si on suppose qu’il en existe…). Avec son ami Panda Dub, il forme un duo nommé Patient Zéro et sort Draft au printemps 2018, un EP mélangeant hip-hop, future beat et house. « C’est un très bon pote. On se connait depuis très longtemps. On a toujours fait des instrus ensemble. C’était un été où l’un comme l’autre on se mettait à kiffer des Kaytranada, etc… On a juste fait une instru, en se disant « viens ». Ce genre de trucs… puis deux, puis trois, puis huit. On a 8/10 sons. On l’a sorti chez Jarring FX qui nous a dit : « ce sera quatre sons« . »Sinon, nous on était chaud pour enchaîner… C’était leur concept ». A la fin de l’année normalement, on sortira un autre quatre titres. »

« En ce moment j’écoute […] plus de chant que de rap. J’écoute plus des gens qui chantent. Là, j’écoute Kali Uchis, tu vois ou pas ? C’est une chanteuse qui a bossé avec Tyler the Creator. […] Je me fais des longues phases où je n’écoute rien. J’aime bien. Sinon j’écoute vachement de soul, funk des années 70/80  parce que je kiffe et toujours dans un coin de ma tête, je me dis qu’il peut y avoir un sample sur un plateau ». Evidemment, en tant qu’enfant du hip-hop, Vax1 voue un amour inconditionnel au sample, mais n’en fait pas une condition sine qua non pour enclencher son processus créatif : « Y’a pas de règles. Bah… franchement, des fois je me dis « allez pas de sample« . Je pars et j’arrive à rien donc j’écoute des samples et là d’un coup, j’ai mille inspis. Ou l’inverse hein, parfois je pars d’un sample et je n’arrive à rien… Tout ça pour te dire qu’il n’y a pas de formule. »

Les autres passions de Vax1 sont le basket, les voyages et le cinéma. D’ailleurs, c’est à cette dernière qu’il s’intéresse avant de s’investir plus sérieusement dans la musique : « J’ai fait des études de ciné, d’audiovisuel. J’ai fait des courts-métrages, des clips, machins… c’était toujours des brics et des brocs. J’ai préféré dévier vers le son. » Par la suite, c’est en voyageant dans le cadre de ses études qu’il s’initie à la MAO : « J’ai vécu un an à Montréal. C’est là où j’ai appris à utiliser le logiciel Ableton live. C’était ma première année en son. Ça s’appelait « musique numérique », il y avait de l’acoustique, de la physique presque, enregistrement, studio… ».

« J’ai fait le Panama et le Brésil aussi. Brésil j’ai grave cumulé [de l’inspi] niveau percussions. […] Ce sont des dingues des percus là bas. J’ai ramené un peu de percussions (maracas, oeuf shaker…) de là bas. Et puis en fait je kiffe la musique brésilienne. Pareil, je vais piocher un peu dedans parfois. »

Du fait qu’il travaille essentiellement sur synthé ou ordinateur, afin de tirer le meilleur de ses créations musicales, il s’intéresse également au travail d’ingénieur son: « C’est hyper lié. Surtout quand tu n’es pas musicien. Quand tu es musicien, tu n’as pas besoin de savoir ce qu’est un compresseur. Alors que quand tu fais de la musique sur ordinateur, tu dois savoir faire sonner ton son aussi. Pas seulement avoir des idées. Genre avec Patient Zéro, on va être refait de faire une bonne zik… enfin des sons, des accords qu’on kiffe mais si on arrive pas à faire sonner le truc, on peut le jeter à la poubelle… ça va loin. Pour mes projets, en général c’est moi qui mixe. J’aimerais bien que ça change. Parce qu’en fait quand t’as déjà fait la compo, les instrus, le chant… tes oreilles elles en peuvent plus… ».

Pris d’une faim insatiable, Vax1 multiplie les connexions, même si certaines prennent plus de temps que prévu : « j’attends…. Juste, au bout d’un moment, tu as envie de demander « bon l’instru elle va mourir ou pas ? ». C’est des instrus qui m’tiennent grave à coeur. C’est toujours le grand délire des beatmakers… Enfin je veux dire la grande peine des beatmakers qui courent après les MCs… L’instru tu l’as vérouillée pour quelqu’un… Et après t’as plus de news… t’as l’impression que ça tombe à l’eau quoi… Mais bon, c’est le jeu… »

Malgré ces frustrations récurrentes, Vax1 a « besoin d’être actif » : « Je bosse tranquillement un projet solo [album] que je mets un peu de côté dans le sens « priorité à l’Or du commun, Seth… », les trucs qui sont déjà en cours. Sinon j’ai un projet avec une chanteuse aussi, qui me tient bien à coeur. C’est un mélange soul/pop et elle s’essaye au rap, c’est cool. Vous en entendrez parler, je pense que ça peut être bien. […] Là on [avec Double A] va répéter à fond cette semaine et la semaine pro, chez lui ou chez moi. Y a moyen qu’on se fasse une grosse répètition générale avant le concert. C’est bien de faire la première partie d’Isha. Je ne l’ai jamais rencontré. Et l’un comme l’autre on aimerait bien bosser ensemble. Et justement, ça m’a étonné, je ne pensais pas qu’il serait intéressé par mes instrus. Il en a parlé à l’Or du commun. » Et pour couronner le tout, Vax1 bosse sur un deuxième album avec le groupe belge dont le premier extrait vient de sortir. Autant dire que même ceux qui ne sont pas des aficionados du hip-hop lyonnais ne pourront plus ignorer le nom de Vax1. De Lyon à BX.