Dezoriental – Nomades in France
En termes de musique, l’adolescence est une période interessante. Dans mon cas, elle posé à la fois le socle de certains de mes goûts à venir mais a aussi été une période d’expérimentations (utilisons ce mot faute de mieux). Ainsi, il y a dans ma discothèque des choses que, pour utiliser un euphémisme, je ne peux que très difficilement écouter aujourd’hui. C’est le cas par exemple du reggae français. Plaçons-en une pour Sinsemilia, Rasta Bigoud et autre Percubaba. Il y a des disques qui ne sont pas désagréables et pour lesquels la madeleine de Proust marche à fond. Pour moi, ça peut aller de Korn aux Ogres de Barback. Et puis il y a les disques qui n’ont pas pris une ride et qui sont restés des chefs d’oeuvre.
C’est le cas du premier album de Dezoriental qui porte le même nom. Dezoriental est un groupe formé autour d’un trio : Aloua Idir au oud et aux guitares, Jean-Luc Frappa à l’accordéon et Abdel Waheb Sefsaf au chant et à la derbouka. On retrouve autour de ce trio un batteur, un percussionniste et un tubiste (respectivement Stéphane Prost, Tony Marcos et Laurent Guiton). La musique de Dézoriental est un grand mélange d’influence suivant la ligne directrice d’un Orient qui partirait du Maghreb pour aller jusqu’au Pakistan. Mais une musique faite par des gens habitant en France et qui se nourrit donc aussi de jazz, de musette ou de chanson française.
« Entre deux rivages, les mêmes eaux séparent nos visages. J’aimerais boire l’océan pour rapprocher nos paysages » – Dadoo sur ‘Watani’
Né sur la rive d’une troupe théâtrale à Saint-Etienne, le groupe part d’abord enregistrer quatre titres au Studio Deltour à Toulouse, chez le légendaire ingénieur du son Georges Baux (collaborateur de plus de 30 ans de Bernard Lavilliers). Celui-ci les aidera par la suite à signer chez Disques Dreyfus et réalisera les deux albums du groupe. Dezoriental est avant tout un groupe qui s’imprègne de chacun de ses membres, où chacun ramène sa pierre à l’édifice. Ne dit-on pas que « nous sommes les enfants des gens que l’on rencontre » ? Une philospohie qui correspond bien au groupe. Et je pense que c’est ce qui fait de ce disque un disque marquant : les compositions sont aussi prenantes et singulières que le chant de Sefsaf. Ils peuvent parfois vous prendre aux trip(pe)s comme vous faire vous évader à dos de nuages.
En effet, le mélange d’influences et de parcours des membres du groupe ressort parfaitement des dix titres qui composent ce premier disque inclassable. On passe de balades orientales (Maguelone, Maghreb I) à des plages atmosphériques trip-hop (Desert Blues, Dezoriental Trip) en passant par des orgies de rythmes et de fêtes (Booster, Nomade in France). Une fête, il y en aura d’ailleurs eu une incroyable au Théâtre de la Renaissance à Oullins. Les gens présents alors s’en souviennent sûrement encore. Tout ça pour vous dire que, même si je suis sûrement un peu biaisé par des connexions établies dans mon cerveau il y a longtemps, ce disque est sublime. Et il s’écoute ici.