Rencontre avec :
Flore

DJ, manageuse du label et des soirées POLAAR et productrice de musiques électroniques, Flore est une artiste incontournable de la scène lyonnaise. Compositrice et performeuse depuis une vingtaine d’années, elle anime aujourd’hui des workshops et formations sur le logiciel Ableton autour de la composition et du jeu live.

Flore continue de répandre la bass music, des festivals aux clubs, en France et à l’étranger, notamment Nuits Sonores, Transmusicales, Fusion Festival, Fabric London et plus encore. Son album intitulé RITUALS, sorti en 2020, a été acclamé par la presse nationale et internationale. En tant que lyonnais, il m’était impossible de passer à côté ! Elle m’a donc donné rendez-vous chez elle pour une interview exclusive en direct de son studio..

Quel est ton parcours ? 

Salut à toi, je m’appelle Flore et j’ai mon bac (rire). Pendant ma scolarité, mon coeur oscillait entre la musique et le dessin. Puis j’ai découvert la musique électronique quelques années avant mon bac et c’est l’année du bac ou j’ai vraiment commencé à composer. Après je suis partie travailler pour m’acheter du matos. Au départ c’était vraiment l’envie de composer de la musique et spécialement de la drum & bass. Le djing est arrivé après et un peu par hasard. Autour de 2003, j’ai commencé à mettre en place mon intermittence. Et après il s’est passé beaucoup de choses depuis, je ne sais même pas par où commencer (rire).

Quand as-tu commencé à faire de la musique? 

En 1998, je suis passé par tous les outils, du vinyl au cd, de traktor aux clés usb !

 

Quelle est ta première machine ? 

J’ai commencé avec un atari 1024 ste, un ordinateur avec lequel je pilotais un synthétiseur. Puis je me suis acheté un sampler Yamaha A4000, qui était le seul sampler que je pouvais m’offrir. J’ai commencé à travailler le sound design, le midi et le time stretching (effet audio numérique qui a pour but de raccourcir ou allonger la durée et/ou le tempo d’un enregistrement sonore sans modifier sa hauteur tonale). À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de personnes avec qui parler de ça. Je me rendais dans un magasin de son super cool qui s’appelait Backstage ! Ma spécialité c’était de squatter les samedis après-midi et de poser toutes les questions ! Au début des années 2000, j’ai eu mon premier PC de maison avec internet (56ko!) et je pouvais enfin partager avec les gens du milieu Hardcore sur des forums, ou les gens étaient beaucoup plus expérimentés que moi.

Le début du Live 

Au départ j’étais sur Cubase puis bien plus tard sur Ableton ! Autour de 2011, le live à commencé à me titiller. J’étais un peu lassée des structures des morceaux type club. À ce moment-là je commençais un peu à bidouiller sur Ableton, mais la transition entre cubase et live était très compliquée. Ce qui m’a vraiment permis de rentrer dans le logiciel c’est le mode Live. Quand t’es toute seule derrière l’ordi, il faut trouver ton jeu et ton mode d’interaction avec le logiciel. 

Ce que j’aime bien dans le dj-set, c’est le côté spontané, tu peux t’adapter en fonction du public, de l’heure à laquelle tu joues et de ton mood.

Un live tu imposes ta vision, l’interaction avec le public est plutôt limitée. Dans le Live que j’ai monté avec WSK (artiste vidéo) tu dois avoir une structure de tracklisting assez figée pour que ça fonctionne ! Ça fait très longtemps que je bosse avec lui, et notre Live est toujours en chantier. Mon live est fait à 80% avec Live et 20% avec une boite à rythme modulaire, c’est la partie un peu aléatoire du set ! J’ai aussi un launchpad de Novation, un ipad qui permet  de lancer les séquences midi au modulaire et une table de mixage midi.

Quelles ont été tes inspirations ? 

Mon ADN de départ c’est la drum & bass mais j’écoute de tout aha, écouter un seul style c’est la mort.

 

Quel est ta découverte du moment ? 

En ce moment j’écoute beaucoup Little Simz, qui vient de sortir un nouvel album. On l’affilie à la scène grime (genre musical ayant émergé à Bow, Londres, au Royaume-Uni, au début des années 2000 principalement influencé par le UK garage, drum and bass). Je trouve ça hyper agréable, audacieux et frais ! Sinon j’écoute pas mal d’ambient et de noise. Ce matin j’écoutais les releases d’Ideologic Organ, le label de Stephan O’Malley, du groupe Sunn O))). Il y a des choses vraiment barrées mais c’est radical et imparable pour se mettre dans sa bulle.

 

Un track ou Une track ? (Rire), alors moi je dis, un track et je sais que c’est une question très clivante ! De ma génération on dit un track ! Chacun fait comme il veut haha !

 

Comment t’es tu occupée pendant le covid ? 

Je ne me suis pas du tout ennuyée car mon album est sorti pendant le premier  confinement. J’ai eu beaucoup de promotion à faire. J’avais des mixs, des interviews, et le label à gérer. Perso ça n’a pas changé ma vision de la musique et de la vie. La musique électronique j’en écoute tout le temps, pas seulement quand je vais mixer. Ça n’a pas eu d’impact sur ma créativité ! 

 

Fondatrice du label Polaar  

J’avais envie d’être indépendante par rapport à la direction artistique. J’avais envie de produire d’autres gens, d’échanger avec des nouveaux artistes, c’est un travail collectif ! Pendant très longtemps j’étais toute seule et je trouve ça cool de faire profiter de nos propres expériences. Le but est d’envisager des sorties à long terme pour les artistes. Le but c’est de créer la confiance avec les artistes pour qu’ils aient envie de revenir et c’est ce qu’il se passe.



Comment gères-tu vie de famille et travail ? 

Ce n’est pas évident de trouver un équilibre entre vie perso et carrière artistique, c’est un vrai jeu d’équilibriste. Aujourd’hui j’essaye d’accepter que tu ne peux pas tout mener de front. Au quotidien c’est vrai que ce sont plutôt les copains qui ramassent parce-que je suis très proche de ma famille. 

 

Combien de disques comptes-tu ?

Je dois en avoir 500-600 sans parler des vinyles du label aha ! J’y tiens beaucoup à cette collection. C’est précieux. 

 

Quel club t’as marqué le plus ? 

Y en a pleins mais l’édition du Positive Education en 2021 en sortie de covid. C’était un moment vraiment magique car on avait été privé de tout. Le fait d’avoir joué ce live à ce moment-là, c’était vraiment un bon moment, avec une douceur et de l’ électricité dans l’air.

 

Ton conseil pour durer dans le temps ? 

La sincérité finit par payer. J’ai jamais suivi le vent, j’avais une idée assez précise de ce que je voulais faire et de la ou je voulais être. Quand tu tiens avec l’amour et la sincérité de ce que tu fais à travers le temps et les modes c’est que tu es à ta place, les gens le repère et le respectent : elle est encore là. rire 

Les Escales Buissonnières 

Je donne des cours en collaboration avec EMIL et les Escales Buissonnières, dont certains sont construits autour du jeu live. Ce qui est assez cool, c’est que l’apprentissage est collectif, chacun vient d’un univers différent, les envies sont différentes et ce qui est intéressant c’est que pendant 3 jours il y a une mise en pratique, les gens se mettent pas mal la pression aha. C’est là que les personnes voient ce qui marche ou pas ! La confrontation au réel et aux différences de chacun fait que du coup c’est vachement enrichissant !

 

De futures collaborations ? 

La j’ai un EP qui sort début mars sur le label d’un artiste que j’aime beaucoup, qui s’appelle Peder Mannerfelt. Lui est basé à Stockholm et je me reconnais pas mal dans son profil, il fait pleins trucs très variés ! Le truc que j’aime bien c’est que c’est à la fois exigeant et à la fois second degré, on se prend pas le choux. Des fois je trouve que la musique électronique manque un peu d’humour. Je lui ai envoyé deux morceaux un peu dancehall très branché saturation/distorsion. L’EP s’appelle “Base IQ” et ne me demande pas pourquoi, rire ! Je me suis ah ptn ça sonne bien haha !