Zed Yun Pavarotti – Grand Zéro
A seulement 21 ans, Zed Yun Pavarotti sort son quatrième projet, Grand Zéro, sur le label Jeune à Jamais. Anciennement Zed, le rappeur stéphanois a mué pour devenir le Yun Pavarotti. En s’affiliant à cette légende qu’il apprécie, il assume son envie de pousser la voix pour faire de « l’opéra autotuné ». Accompagné de son collectif, POSA (avec Osha, Klë, Sahad et Anubis), avec cette mixtape il marque l’avènement du Grand Zéro. Le Grand Zéro est l’incarnation du raté qui a l’espoir de devenir le meilleur ; c’est le vautour qui vole plus haut que les aigles, mais ne graille que des carcasses… C’est celui qui n’a pas les aptitudes d’un chanteur d’opéra, mais veut chanter comme Pavarotti.
Comme un écho au mouvement d’émancipation que connaît le rap, par rapport aux barrières qu’il avait lui-même érigées, Zed Yun Pavarotti assume son envie de faire des tubes. Admiratif d’Erasme et Prévert, il secoue la tête sur du métal durant le collège, avant de se plonger dans le rap au lycée. C’est à cette période qu’il écrit des rimes, tout en étant fasciné par Ulysse. Bac L oblige, Zed attache de l’importance aux textes et aime jouer avec les mots en ajoutant une bonne dose d’ironie.
« J’aime les filles sur ma vie / Celles des comptines de magie / Celles du soir même la voisine / J’les préfère à celles des films » (Le Matin)
Avec Le Matin en guise d’introduction, le duo nous embarque dans son univers : Osha délivre une instrumentale lente, aérée et ponctuée d’une mélodie aigüe renforçant le côté aérien. Dessus Zed déroule un long couplet en jonglant entre phrases incisives, images fortes et déclarations d’amour aux femmes. Le Yun poursuit sur sa lancée sur le reste du projet en cultivant un egotrip efficace. Ses tournures de phrase et sa dérision apportent de la chaleur aux ambiances mélancoliques délivrées par le chef d’orchestre. Souvent, en une phrase, il peut évoquer une image et plusieurs sens.
« Je reste un mec simple, je jure qu’la fefe sera discrète » (Le goût)
Zed Yun Pavarotti ne se limite pas à l’enchaînement de punchlines. Il peut lui arriver de parler d’amour sur des morceaux entiers comme L’air et Le Paon. D’ailleurs, sur le second, Osha et lui brouillent encore davantage les frontières entre chanson et rap, que sur le reste de la mixtape, et prouvent qu’ils ont le potentiel pour faire des tubes. Pas avare, Zed laisse son compère de POSA, Prince Sahad, prendre le contrôle sur le titre Abîmes. La transition parfaite pour que le Zed mette plus le côté Yun que Pavarotti en avant. Après « l’opéra autotuné », place au « rap de chambre, de chambre d’hôtel en désordre après la visite de Keith Richards et concert de groupies », bien que les apparitions de Klë permettent de renouer avec le premier. Sur l’instru de Le goût, moins planante, au rythme plus marqué, Zed enchaîne les punch’ avec un ton hautain assumé. Mêlé à son goût pour le second degré, il offre un egotrip à son paroxysme comme sur Ulysse et Chupachups.
Cette mixtape a tout d’un album, tant l’univers est cohérent sans être redondant. En s’affranchissant des frontières entre chanson et rap, Zed et Osha proposent une formule très personnelle, si ce n’est innovante. Le chef d’orchestre créé aussi bien des ambiances légères que mélancoliques ou encore sombres sur lesquelles Zed balance des rimes acerbes et romantiques. Grâce à leur maîtrise de l’autotune, les voix se marient bien avec les instrus, ce qui donne un projet très harmonieux. Osha et Zed ont su réaliser la prouesse de proposer un univers personnel (et addictif) auquel on peut immédiatement les identifier après une seule écoute. Cette performance a d’ailleurs suscité l’intérêt des labels. Et c’est finalement Artside (dont fait partie MHD) qui a obtenu la signature du Zed. En plus de rendre l’opéra accessible à tous, des stéphanois ont su toucher des cœurs lyonnais. Et ça, c’est un exploit en soi.