Sameer Ahmad
“l’Irakien qui rira bien le dernier”

Après le virage entamé sur deux projets courts sortis ces dernières années, les très bons Justin Herman Plaza (et sa sublime Berceuse Babylonienne) et Ne Mourez Jamais Seul (aux clips léchés), le rappeur de Montpellier Ahmad revient avec un album sorti chez Bad Cop Bad Cop (mais si, mais si).

 

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Dans sa forme, ce Perdants magnifiques, a des airs d’Illmatic: un disque court et cohérent, dix titres dont une intro… qui porte le même titre que celle du classique de Nas. Le clin d’œil est assumé. De là à en faire un petit classique du rap français? Trop tôt pour le dire. Mais un des meilleurs disques de ces dernières années, certainement.

La plume d’Ahmad est à part. Le sens de la Formule, il l’a. Comme il le dit lui-même, il “glisse comme un slogan”. Celui qui a “fait comme l’écriture, [il] est parti de Bagdad” a fait évoluer son style au fur et à mesure des expériences. “Les erreurs coûtent cher, je le comprend en me rachetant”. Un parcours chaotique, peut-être. Mais l’homme rappe pour le plaisir et par passion, pas pour manger. “Et quand j’ai pas le buzz, merde, quand il m’arrive de perdre frère, j’m’en bats les valseuses à la Patrick Dewaere”.

Poétique, rêveur, flottant, parfois désinvolte, ce disque l’est sûrement. “J’ai pris la lune pour m’asseoir, le soleil comme allume-cigare”. Les productions sont chaudes, mélodiques, remplis de samples parfois connus mais toujours retravaillées de manière intéressante et bancale juste ce qu’il faut. “J’reste en équilibre sur la corde sensible et je reste en vie jusqu’à ce que mort s’ensuive”. Une musique nocturne qui donne parfois envie de se mettre dans la tête des “dérivés de paradis ou de parafine”, de quoi nous plisser les yeux puisque, après tout, les “nuits ne sont que les paupières du jour”.

Bien que faisant appel à une palette assez large de producteurs, les ambiances sont homogènes et les morceaux s’emboîtent. Il y a une vraie direction artistique derrière ce disque. Rajoutez à cela l’écriture flottante d’Ahmad, une approche des thèmes indirecte et des références par dizaines, et il vous sera impossible de vraiment retirer des titres du disque en particulier. Bien sûr, on aura envie de siffloter sur Siwak, on retiendra les bonnes lignes de Nouveau Sinatra, on sera frappé de plein fouet par Barabbas ou embarqué dans l’atmosphère lourde de Deuxième du Nom. Mais on a bien là un vrai album. Et c’est quelque chose qui fait du bien de nos jours.

Pour en apprendre plus sur le personnage, on vous conseille les interviews parus chez l’Abcdr du Son ou encore chez Surl Mag.

Pour écouter et commander le disque, ça se passe sur bandcamp.

Soyez curieux.