Rencontre avec :
Charlie Faron
Je l’avais rencontré dans le ventre de la Marquise pour un de ses concerts, il y a quelques mois déjà. À la suite d’une rapide présentation faite par une amie qui le connaissait bien, j’avais réussi à discuter avec lui le temps d’une clope, malgré le confinement de cet espace fumeur qui nous entassait dans un rapprochement à la limite de l’intime. Un environnement propice aux rencontres et aux éclaboussures de bière sur le tee shirt, fait pour ceux qui aiment la proximité et la mousse. C’est donc dans ces conditions que j’ai découvert Charlie, le bonhomme qui se trouve derrière Solow. On bavardait dans un coin, agrippés à nos verres, quand alors j’ai vu son pull. J’assume complètement, j’ai craqué. Il me le fallait.
Fin du concert, plusieurs semaines passent et pas une thune pour l’obtenir par la voie légale et traditionnelle. Pas grave : j’ai alors imaginé un plan machiavélique pour le retrouver. Le mieux serait dans faire ça dans un lieu loin des regards en prétextant une interview pour Paperboys. Profitant d’un moment d’inattention de sa part , j’alourdirai son café d’un mélange somnifère/tilleul/laxatif (ça c’est juste pour se marrer) et bim, il ne me restera plus qu’à récupérer mon précieux habit, sur le corps inerte du pauvre garçon évanoui. Malin sur le papier, sauf que le jour J, je m’aperçois qu’il porte sur lui un simple pull gris. Mucha merde !! Bon bah je lui ai vendu une interview, on va devoir la faire. Sans drogue ni vol…
Parfois, quand j’écoute une musique, il m’arrive d’imaginer à quoi peut bien ressembler le type qui se trouve derrière. Des plantes accrochées aux murs, un décor soigné et épuré, un mobilier moderne mais sans prétention. J’avais demandé à Solow qu’on se retrouve dans un lieu qui lui corresponde : serait-ce là un premier message caché ?
Je me retrouve donc, en compagnie de ce jeune artiste Lyonnais dans l’arrière salon de la maison Metagram (à laquelle je remets au passage la palme du café le plus surprenant). Charlie a.k.a. Solow (un blase qui, je l’apprendrais au cours de notre discussion, est l’un des multiples visages artistiques que ce garçon talentueux possède) débute à 20 ans seulement une multi-carrière sur Lyon. Il est chanteur, compositeur, instrumentaliste, styliste néophyte, business man sur les bords… et peut-être plus, car je le soupçonne fortement de ne pas m’avoir tout révélé.
Dans son naissant sillage, déjà un joli panel de concerts dans des lieux tels que le Marché Gare, la Marquise, Le Berliner, l’Ayers Rock… On le retrouvera sur scène bientôt au Horse Field Festival prévu du 14 au 15 Juillet. Car quand on hérite de cordes vocales qui font vibrer les minettes à 3 kilomètres à la ronde, on se grouille de prendre sa guitare et de faire des scènes. Avec Charlie Faron, la musique se teint naturellement de sonorités rappelant les saveurs harmoniques d’Alt-J auxquelles seraient venue s’ajouter l’ambiance dark et planante de RY X ou The XX.
La scène lui va à la manière d’un habit qu’il ajuste à sa taille. Sa présence scénique, naturelle et souriante, brise la limite entre l’artiste et son public. Il donne pour lui, pour nous. Lors de son concert à la Marquise, j’ai pu voir ses amis et quelques fans fermer les yeux et se prendre par la main pour osciller en rythme, comme perdus dans un cocon. Cette ballade auditive, profonde et nocturne, oscillant entre indie pop et electro est enveloppée d’un chant grave qui n’était pas sans me rappeler le chanteur de Milky Chance. Tout particulièrement sur le morceau Cinema Club, paru sur l’EP Runaway sorti chez Archipel.
Pour ma part, c’est le genre de musique indispensable en fond pour séduire une nana avant de l’embrasser. Solow, c’est simplement ça : la B.O des moments sentimentaux du film de ta vie. J’ai donc eu envie de découvrir l’origine de cette ambiance viscérale, comprendre d’où provient la substance avec laquelle Charlie compose sa musique.
Flashback. Il est à la base un pur produit parisien, exporté au New Jersey à l’âge de 6 mois. C’est là bas qu’il vit son enfance avant de revenir 7 ans plus tard dans la capitale française, fort d’un accent américain et d’un bilinguisme parfait. Quelques années après, il migre sur Lyon où Maman, ne désirant pas que petit Charlie perde cette qualité linguistique, l’envoie dans une école où sont donnés des cours en anglais et français.
C’est à peu près à cette période que petit Charlie joue son premier morceau de guitare, appris par son cousin. Cousin qu’on retrouvera d’ailleurs 10 ans plus tard sur scène pour le projet Solow. Les livres d’histoire nous apprennent souvent que moult artistes eurent des enfances et adolescence confuses et furent déchirés entre maux d’esprit et incompréhension de soi. Mais comme un guerrier samouraï sur le champ de bataille, Charlie se relève et c’est dans ce terreau qu’il puisera son inspiration pour l’écriture et la composition. Des années après, il décide de se consacrer entièrement à la musique et déballe sa valise de projets sur la capitale des Gaules.
« J’ai voulu arrêter de me prendre la tête et prouver à ma mère que je peux réussir sans Master 2 »
Je reprends un café. L’ambiance de l’arrière-salon de la Maison Metagram est dorénavant sous le contrôle de Duke Ellington qui assure au travers des enceintes dispersées dans l’établissement un flow de musique jazzy. Déjà 1h qu’on papote ensemble et je cerne à peu près la philosophie de Charlie : quand tu te lances sans limite dans un rêve, tu te rends compte qu’en retour, la vie a vite fait de te faire des cadeaux sous forme de rencontres et d’opportunités. Charlie se fie à son instinct et à cette devise quand il se lance dans ses 2 autres projets musicaux qu’il gère en parallèle à Solow.
Pour commencer, 228K, un projet électro créé et réalisé avec Fred, un ami ingé son qu’il rencontre dans le studio de son oncle. Ensemble, munis de l’expérience et l’expertise de Fred, ils composent des tracks branchés électro et contre toute attente…Charlie prête sa voix de loup-garou sur chacune d’elles. Le cocktail fonctionne. Un compte soundcloud, 3 tracks, 88 000 likes, plus de 170 000 écoutes sur Spotify et le titre Chantal se retrouve dans le top 50 Viral Suisse et Polonais. Une belle réussite qui attire les yeux d’un producteur renommé qui, je l’espère, leur ouvrira de nouveaux horizons. Une adéquation de circonstances qui me laisse penser que 228k arrivera très certainement et très rapidement à récolter le fruit de son travail.
Solow, 228K… Pourquoi s’arrêter là ? C’est alors qu’il était à Londres et qu’il tournait en rond que le troisième et dernier portrait artistique de Charlie vit le jour. Musow, un projet musique électro/world dans lequel son goût pour les instruments à cordes donne toute sa saveur aux créations. Cela me fait penser à du Petit Biscuit de par les voix pitchées mais aussi à du Fakear à cause de certaines sonorités orientales. Comme pour Solow, il s’occupe seul du projet Musow. Il m’explique vouloir donner du sens à ses œuvres, qu’elles soient à sa taille, à son image.
« J’ai plein de projets sur le feu, mais une seule volonté : les faire tout en restant authentique »
Duke Ellington s’en va pour laisser sa place à Betty Carter, qui enchaîne énergiquement sur It takes two to tango. Un moment de silence. On vient de finir notre discussion sur la musique. Il reprend son souffle.
Le fameux pull qui avait titillé mon attention lors de notre première rencontre à la Marquise ne provient pas d’un shop introuvable à l’autre bout de la planète. Au contraire, on peut se fournir l’ensemble de sa gamme de produit sur internet et dans les points de ventes qui sont respectivement la Maison Metagram et … la Maison Metagram. Il faut un début à tout. Le début de ce début survient encore grâce à l’ennui. Publiant des photos de tattoos sur son compte Instagram, il écrivit pour la première fois Encré. sur un logiciel graphique. Directement l’idée de reproduire ce logo sur un hoodie pour voir ce que ça donne, le séduit. Il vient de découvrir son nouveau terrain de jeu. S’en suivent plusieurs semaines d’essais et d’échecs. Malmené par son inexpérience dans le domaine, il met du temps à trouver le bon accord.
Paillettes dans les yeux, vu que ça pète vraiment et qu’il a faim de nouveaux projets, il en tire 10 exemplaire, qu’il ira lui-même vendre sur son petit vélo auprès des shops de fringues lyonnais. Un fois de plus il me prouve qu’avec un peu de débrouille et d’ambitions on peut s’ouvrir bien des portes. À l’époque c’est Make Noise qui lui ouvre les siennes et aujourd’hui près de 80 produits sont déjà partis dans le dressing des amateurs de bonnes pépites (pas toutes vendus chez Make Noise). Pour des raisons de logistique, il a ensuite du déplacer sa marque, pour ne la rendre disponible uniquement à la Maison Métagram et sur un e-shop américain. C’est simple, épuré et tellement efficace. Je trouve qu’Encré va bien à Charlie, car c’est ce qu’il est, ancré. Ancré à ses rêves, à son objectif d’ouvrir un jour lui même un espace shop et un lieu d’échanges et de culture, un lieu où on parlera d’art, de tattoo et de musique. Ancré dans ses ambitions et dans son caractère.
Après environ 2h30 d’échanges et plusieurs grands classiques du Jazz Américain, on redescend paisiblement sur nos chaises dans l’arrière salon de la Maison Métagram. Ce moment en présence de l’artiste Solow fut pour moi vraiment cool. J’en ressort avec le goût du café dans la bouche et la conviction que, peu importe le nombre de projets ou d’idées farfelues qu’on peut avoir en tête, rien n’est impossible si on ignore que ça l’est. Même si un peu de jugeote, de la démerde et un bon karma sont la recette de la réussite.
Son téléphone sonne. « Attends je dois répondre, c’est une stagiaire qui va bosser avec moi pour la marque. » Charlie, mais quand est-ce que tu t’arrêtes ?