Rencontre avec :
Salim Bakar

Non mais allô ?! Tout le monde connaît le Petit Salon, me souffle mon collègue étudiant et lyonnais. Ils sont nombreux à le fréquenter le week-end pour briguer, guincher, danser, bouger. Depuis son ouverture en 2014, le club enchaîne les bookings techno en tous genres. Derrière cette programmation, on trouve Salim Bakar, un jeune de 23 ans aux grandes ambitions et à la jugeote fine. Depuis la mutation du Lifecity en Petit Salon, Salim a pris officiellement le rôle de DA. Rencontre avec la fibre artistique du Petit Salon qui rassemble tous les styles musicaux.

 

Salim

 

Salim Bakar se sent au Petit Salon un peu comme s’il était chez lui. Les locaux sont plutôt spacieux. Alors pour visiter les lieux, on serpente de salle en salle, de fumoirs en vestiaires, de bureaux en salle de pause. Nouveau coin clope avec fontaine et bruits relaxants d’oiseaux, salle de papotage avec bar en bois tout frais, on connaît déjà les quelques nouveautés du club, qui a tout l’air de se transformer en un temple de divertissement généraliste.

Salim fréquente les lieux depuis qu’il a 18 ans. Non, comme la plupart des jeunes de son âge, pour des soirées arrosées, mais comme RP bénévole pour le défunt Life. Loin d’être un animal nocturne, le DA du Petit Salon mène une vie saine et suit un régime alcohol free, avec tout de même un penchant vicieux pour les cocktails de fruits type orange pomme cranberry. Resté dans les cordes au moment du changement d’identité, Salim est aujourd’hui, à 23 ans, à la direction artistique d’un des clubs qui tourne le plus à Lyon.

Une fibre d’organisateur qu’il cultive depuis qu’il est ado, comme lors d’un carnage à la peinture fluo, chez un pote à l’occaz d’un Nouvel An – avec des néons ultraviolets, la peinture devenait phosphorescente – un côté fun et créatif avec lequel lui et les deux boss du lieu, Brice et Benjamin, ont inventé le concept du Petit Salon. L’idée était de proposer des bookings techno, dans la petite salle du club généraliste où il ne se passait rien, tout en créant des partenariats avec tout le vivier d’associations locales (Zoo Corp, Tapage Nocturne, Encore, XLR, Pyramiid Production, Papa Maman et les autres, « sans qui on ne serait pas grand chose » ajoute Salim). La sauce a vite pris. Suivant le groove électronique, ils se sont détachés du club classique, ont tout agrandi et se sont collés une étiquette techno/house/transe qui est depuis la marque de fabrique du Petit Salon. Le passage du statut de bénévole à celui directeur artistique s’est donc fait naturellement pour Salim. Sa première « vraie » teuf, c’était Piu Piu dans la petite salle. Mais la grosse claque, il se l’est prise avec le label électronique Ed Banger.

Je bookais des DJ à la cool. Maintenant, c’est du sérieux.

L’ouverture du Petit Salon a vécu une période compliquée. Salim faisait le tour des assos pour leur proposer d’organiser des teufs. Artjacking a débarqué pour des soirées dans la petite salle, mais ne voulait pas faire de l’électro, mais du rap en club. Depuis, les membres d’Artjaking et Salim – qui fait aujourd’hui partie de l’asso  – organisent des soirées qui cartonnent. Comme un peu toutes les soirées proposées par le jeune DA. Toujours étudiant, il est inscrit en master de communication. Il veut s’assurer des bagages, car il sait qu’il sera amené à changer de cap, d’aller vers d’autres horizons, comme le cinéma par exemple. Le jeune homme a soif d’avancer. Dans sa quête de carrière, il a fait un stage aux États-Unis. Pour décrocher deux entretiens, il a dû envoyer une tonne de CV : l’expérience de loin la plus croustillante de son parcours. Initialement parti pour six mois, il y restera presque un an.

Je devais rentrer à l’EFAP pour un master, mais l’administration a perdu mon chèque et je n’ai pas pu être inscrit. J’ai donc falsifié mes conventions et je suis parti en stage à Miami comme prévu.

De retour depuis juillet dernier, son esprit est encore un peu là-bas, surtout quand on lui demande de parler de ses expériences. Arrivé seul aux États-Unis, il n’avait pas de connexion. En tant qu’amateur de foot, il se glisse aisément dans un réseau et très vite il rencontre du monde. Il se retrouve même dans les soirées privées, comme celle organisée par la marque de fringues et label Kitsuné. Tout le monde portait des masques de renard – logo de la marque. Le spot était dingue : un roof-top avec une vue imprenable sur la baie de Miami.

À ce moment-là, il a eu le sentiment de vivre le rêve américain. Pendant son séjour, Brice et Ben lui ont proposé de bosser pour le club à distance. Convaincu par l’avenir du Petit Salon, il n’a pas été effrayé par les six heures de décalage qui séparent la France et les EU. Il consacrait les premières heures de sa journée sur les bookings et la com’ du club lyonnais. Tout a plutôt bien marché. Le jeune Français a eu plus d’une occase de rester à Miami, mais soucieux de revenir en France pour continuer ses études, il a décliné les propositions.

 

Salim-Petit-Salon

 

À Miami, il sortait souvent au Bardot, un bar/club d’une capacité de 400 personnes. Un endroit ultra-décoré qui mélange les genres avec clientèle branchée. Là-bas, Salim a rencontré Kartell – artiste français sorti sur Roche Musique (label fondé par Cezaire). Il mixe l’électronique avec des sons R&B; un style qui colle parfaitement avec les envies du Petit Salon. Ses potes d’Artjacking sont aussi venus le voir à Miami. Ensemble, ils ont écouté Majid Jordan – un duo, des protégés de Drake. Évidemment, il a aussi trimbalé ses Nike au Liv Night Club, une usine de 2000 personnes avec toute une scénographie et des canons à Co2. Le retour en France a été difficile à digérer.

Salim a hâte de faire découvrir le Petit Salon à ses parents qui vivent entre le Maroc et la Mauritanie – lors d’une soirée année 80 par exemple – car c’est avec eux qu’il a fait son éducation musicale. Ses deux parents sont fans de rap. Il a grandi en écoutant IAM, NTM et les Sages Poètes (entre autres), des piliers du genre dont il est tombé accro des textes et des samples. C’est une des raisons pour lesquelles il kiffe DJ Mehdi. Il se reconnaît dans son parcours. C’est un artiste qu’il aurait adoré faire jouer au petit salon s’il n’avait pas connu un destin tragique. Métissé dans tous les sens du terme et né de parents trilingues, Salim est depuis tout jeune plongé dans le bain des langues, des voyages, de l’ouverture sur le monde et ne fixe donc aucune barrière à ses horizons.

En attendant de retrouver l’équipe du Petit Salon sur le dancefloor, Salim propose sa sélection de morceaux – à découvrir en bas de l’article – des titres éclectiques, qui donnent un avant-goût de son univers musical. Prochainement au Petit Salon, se produira Breakbot – le 11 février – un artiste choisi par les petits soins du DA. Breakbot ramène souvent son pote Irfane avec lui; des artistes qui se décrivent comme deux blancs faisant de la musique de noirs. Toutes les dates jusqu’à fin février sont visibles sur le site web ou sur la page Facebook. On a déjà hâte de connaître la suite.

C.F