Jacques Greene – Feel Infinite
Souvent, on découvre des disques qui nous marquent un moment après leur sortie. Encore plus souvent, on a besoin qu’ils nous infusent vraiment pour avoir envie d’en parler ici. Et quand on arrive finalement à écrire quelque chose, ‘actualité est généralement bien lointaine. Mais finalement, c’est tant mieux. Le temps long, la vie lente, les disques qui restent, c’est cool aussi.
Le premier long format de Philippe Aubin-Dionne a.k.a. Jacques Greene est sorti il y a maintenant quasiment un an. On l’a découvert en fin d’année dernière au hasard de tweets de personnes recommandables. Car si on avait déjà parlé de ce bon vieux Jacquot lors de son dernier (?) passage à Lyon, il y a maintenant quasiment 3 ans, on ne va pas vous mentir en vous disant qu’il avait un peu quitté nos radars depuis. Du coup, on a été bien content de prendre une belle mandale à l’écoute de ce « Feel Infinite ».
Paru après 7 ans de carrière et une ribambelle d’EPs et de remixes, ce disque représente sûrement la quintessence de la griffe Jacques Greene, sans pour autant être la liste de courses où tout a été coché bien correctement. Le style instinctif du canadien est toujours présent : des morceaux courts (4’30 max), des percussions efficaces, des lignes de synthés entêtantes et surtout une utilisation magistrale des samples vocaux. Car hormis sur le superbe « True » sur lequel il accueille How To Dress Well au chant, les voies qui encombrent le disque ne sont que des échantillons scientifiquement triturés puis soigneusement disposés.
Une impression étrange nous envahit d’ailleurs à la fin de l’écoute du disque: celui d’avoir écouté un disque de R’n’B sans chanteur. Ok, bien sûr, on parle plus d’un R’n’B futuriste, de club, que de R. Kelly. Jacques Greene a l’art et la manière d’utiliser ces échantillons non pas seulement pour illustrer et ponctuer ses morceaux mais pour quasiment bâtir des chansons (le terrible « You Can’t Deny » ou encore « You See All My Light » qui clôt l’album). L’enchaînement mixé de « To Say » (basé sur des samples vocaux) et « True » (avec How To Dress Well, donc) en est l’illustration parfaite tant il nous ont semblé à la premier écoute n’être qu’un seul et même morceau.
La musique de Jacques Greene apparaît d’une simplicité confondante. On n’est pas submergé par un nombre incalculable de couches sonores, les textures ne sont pas les plus recherchées, les structures sont empruntées à la pop et pourtant, personne ne le fait aussi bien que lui. Un peu comme ces sportifs de haut niveau pour qui les exploits techniques semblent d’une facilité déconcertante. « Feel Infinite » est une passe du plat du pied qui élimine quatre adversaires. Beau, lumineux, efficace.
Dans la musique électronique, l’album n’est pas le format maître et c’est parfois un exercice casse-gueule pour les producteurs. Pour nous, vous l’aurez compris, ce premier essai est réussi. Multipolaire dans les styles et rythmiques qu’il utilise, c’est un disque avec lequel on pourra danser et transpirer en club mais aussi prendre un plaisir immense en l’écoutant au casque, un thé dans le mug. Une ode montréalaise à l’amour et au dancefloor. Bravo Jacquot. Quand est-ce que tu viens nous claquer une bise à Lyon ?