Les Mamans du Congo & Rrobin – Bordel de Connexion!
Premier conseil, écartez les meubles du salon. Vous allez avoir besoin de place. Deuxième conseil, échauffez-vous. Vous êtes partis pour une grosse demi-heure de danse et de trance. Enfin, préparez-vous un petit jus et un petit encas pour la suite car on met un bon billet sur le fait que vous allez jouer l’album plusieurs fois d’affilée. Ce disque, c’est celui des Mamans du Congo et de Rrobin qui sort le 13 Novembre chez notre crémerie locale Jarring Effects.
Menées par la chanteuse et percussionniste Gladys Samba, Les Mamans du Congo naissent il y a deux ans à Brazzaville. Ces cinq mamans y chantent en Lari l’histoire de leur peuple et le quotidien de la femme congolaise, fusionnant la danse et les berceuses ancestrales Kongo. Pour appuyer leur chant, elles balancent des rythmiques complexes jouées avec tout ce qu’elles auront sous la main : fourchettes, assiettes, paniers, pilons et autre matos récupéré par-ci par-là.
Des rythmes complexes et syncopés me dîtes-vous ? Il n’en fallait pas plus à Rrobin, beatmaker favori de l’ovni Grems, pour renifler le bon coup. Déjà intéressé par les nouveaux talents africains après une collab avec le rappeur sud-africain Spoek Mathambo sur son album Déluge, il part rencontrer les Mamans à l’automne 2019 à l’initiative de l’Institut Français du Congo, Jarring Effects et la Coopérative de Mai. Chapeautés par le musicien Armel Malonga (qui a collaboré avec nombre de légendes telles Zao ou Ali Farka Touré), les neuf titres qui sortent de cette rencontre sont autant de petites bombes au son unique.
Déjà, car Rrobin n’a pas transformé ou édulcoré sa formule pour l’occasion. Les instrumentaux sont complètement électroniques et on pourrait facilement imaginer ses acolytes habituels chevaucher ses beats avec talent (désolé, je n’y peux rien si tu as l’esprit mal placé). Et c’est ça qui en fait un projet à part : Rrobin garde son approche minimaliste et dépouillée, laissant intelligemment la part belle aux somptueux chœurs des Mamans. Et entendre ces voix africaines cristallines sur des instrus grime et broken beat est un véritable kif.
Bordel de Rap, un des premiers extraits qui nous avaient été distillés par le label, avait fait l’effet d’une petite bombe. Portée par les chœurs de ses collègues, Gladys scande et harangue à souhait, contant les difficultés des personnes abandonnant leurs villages et leurs proches pour trouver du travail à Brazzaville. L’enchaînement qui se fait ensuite avec le terrible Sans Pagne (on veut Grems et le Jouage sur un remix !) et Boom (à fond dans un club ça enverrait du bois) est impressionnant d’énergie.
Passée cette tempête (ce déluge devrait-on dire), Ngaminke revisite les légendes contées au bord du fleuve Congo. Cette balade/berceus se révèle être un vrai moment de grâce et une respiration bien agréable. Plus loin, Meki nous offre des pass pass de haute volée entre le flow imparable de Gladys et les chœurs de ses Mamans. S’ensuit le planant Mwana Wu Dila, accalmie aux relents mélancoliques, avant que le disque ne s’achève sur Perle Précieuse, ode à la femme africaine quasi a cappella.
Soyez-en sûr, cet album ensoleillera même la plus sombre des chambres mansardées dans ce contexte légèrement morose. Il se dégage de ses morceaux une véritable âme, faisant de cette collaboration un projet vraiment à part. Jarring nous montre une fois de plus, après de nombreux projets transversaux, qu’il reste un formidable connecteur d’énergies. Et parce qu’il est important de soutenir les indépendants dans cette période compliquée pour eux, on vous laisse vous rendre sur le Bandcamp du label pour choper cette dose en mp3, CD ou vinyles.