ICHON, parce qu’il suffit de le faire

Avec la sortie de sa première mixtape, consécutive à deux EP, Yann aka Ichon accroît sa côte de popularité, notamment auprès des médias dont la part de ceux qui relaient sa musique s’élargit. Personnage complexe et intéressant, Ichon a au moins autant de personnalités que Kevin Wendell Crumb dans Split : à la fois philosophe et bagarreur, champion et perdant, solitaire et Bon Gamin, fils de pute et philanthrope, suicidaire et bon vivant… Ichon n’est qu’un homme en proie au doute prônant l’amour et le dialogue. Il ne « regrette même pas le fait de pas avoir d’bac » (Champion), à quoi bon ? Il multiplie les projets qui lui tiennent à cœur tout en faisant de la maille. Il suffit de le faire.

Yann s’éprend d’amour pour les mots en même temps que pour les filles : à l’école primaire il rédige ses premières lettres d’amour, qui deviendront des SMS puis des discussions par chat. En même temps, viennent les lettres d’excuses à ses parents pour se faire pardonner de ses écarts de conduite (vols, bagarres, expulsions d’internats…). Yann aime l’école, surtout les cours de philo et de français, mais la flemme l’envahit dès qu’on lui impose un travail. Au collège, il rencontre celui qui est à l’origine de Bon Gamin, Loveni, et qui l’encourage à rapper. Là-bas il obtient même le surnom dont il tirera son nom de scène : Yannichon, la fusion entre son prénom et sa passion pour les poitrines féminines.

Passé la vingtaine Ichon quitte le domicile de ses parents et va d’appart’ en appart’ car il « préfère être un saltimbanque pauvre plutôt que de travailler pour quedal ». Il ride alors les rues parisiennes avec la famille Bon gamin tout en mouillant le maillot pour ce qu’il aime : la création musicale et la conception de textiles.

Ichon aime surprendre pour déchirer les étiquettes et casser les codes. Bien qu’il fasse du rap, il ne se revendique pas rappeur. Il fait du son en parlant de sa vie. Point barre. Venu à la musique avec Corneille, Disiz, LIM ou encore Secteur Ä, il peut autant exprimer ses Pulsions avec hargne que parler de La chose avec une voix envoûtante. Il raconte ses rides nocturnes sur le Macadam parisien, crache sa haine et chante son amour. C’est la vie. Paradoxal aux premiers abords – il a la faculté de porter un regard introspectif et de s’en battre les couilles en même temps – Ichon est comme toi et moi finalement, sauf qu’il assume pleinement ses émotions et doutes. Quand elles l’envahissent et deviennent trop lourdes à porter, il les saisit et les transforme en musique afin d’en partager le poids.

Conscient que les seules barrières se trouvent dans la tête, Ichon ne s’interdit rien et fait les choses comme Yann les ferait, c’est-à-dire à fond – quitte à faire l’amour face caméra pour Dangerous. En constante évolution, à l’image de sa musique et ses flows depuis Cyclique, son premier EP, il recherche sans cesse la performance. Ses clips, souvent surprenants et puissants, tant dans la réalisation que le jeu, symbolisent cette quête interminable.

« Quand j’touche de l’argent, t’sais c’que j’fais avec. J’traverse pas l’périph et j’fais pas la fête. Faut que j’réinvestisse » (Maintenant)

Loin de se limiter à la musique, Ichon est mannequin et défile aussi bien « à Vienne […] pour Martin Margiela » (Backstage) qu’à la Fashion Week de Paris. Même s’il trouve que la mode c’est de la merde, notamment parce que les mannequins sont traités comme des objets… il faut bien remplir le frigo et payer le loyer. Cet argent lui permet également d’investir dans des projets qui lui tiennent à cœur, comme le restaurant de son petit frère (qui a plus hérité des talents de son père que de sa mère), et surtout dans son atelier de couture qu’il a ouvert à Ourika, au Maroc. Car après les femmes, la bouffe et la musique, la conception de textile est sa grande passion.

En 2013, Ichon part en voyage à Dakar pour lancer la marque Dumaiii avec Zoe Boy et De RRusie. Pour autant, il refuse d’être associé au monde de la mode et du luxe. Il estime que sa démarche est motivée par le partage, l’apprentissage et, bien entendu, l’esthétisme. Le concept de Dumaiii est le suivant : partir dans un pays, s’imprégner de la culture et des matériaux locaux (des tissus notamment) pour ensuite produire sur place avant de distribuer dans le monde entier. Et c’est le Sénégal qui fut mis à l’honneur pour inaugurer le lancement de la première collection. Qui est également la dernière à ce jour, le temps que les trois amis finalisent leurs projets respectifs.

« Si je l’fais c’est pour la mama / Pour qu’son fils soit rempli / J’suis prêt à tout pour que ça marche » (Même pas peur)

Aujourd’hui, Ichon a plusieurs cordes à son arc et à chaque fois qu’il décoche, il pense à sa mère et s’approche de plus en plus du centre. Toujours en indé dans ses bails, Ichon connaît maintenant les rouages du métier, notamment grâce à des individus comme Dabaaz qui a permis à Bon Gamin de livrer son premier concert, en 2014, à la Bellevilloise (Paris) devant 1200 personnes. Il entame désormais une tournée solo pour sa mixtape, avec une date prévue à Lyon le 31 janvier, en compagnie de Hyacinthe. L’occasion de venir (re)découvrir le premier rappeur filmé par un drone en train de marcher sur une falaise…