Rencontre avec :
César & Jason

On pourrait résumer ça à deux potes qui mixent dans un appartement qui sent le chanvre mais on ne serait pas assez précis. En fait c’est l’histoire de deux gars que vous pouvez croiser un mardi à 15h dans un disquaire ou entre 3 et 5h du matin dans une boîte lyonnaise. Vie banale d’une jeunesse qui met encore les doigts sur des vinyles. On les a rencontrés chez eux où ils s’occupent en mixant comme tonton, sur des vielles Technics…

 

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PB : Les gars, vous êtes qui ?

C&J: On est de gros fêtards, on a écouté beaucoup de musique avant d’en faire réellement, on a traîné dans pas mal de soirées avant de sortir tout doucement et sans fracas nos platines. C’était beaucoup de déconne, on a commencé par créer « N.I. Corp », à savoir Nord Isère corporation pour déconner. C’était assez axé techno et surtout fait pour triper ensemble. On s’est rapidement investi dans la musique, on se faisait tourner beaucoup de son. Le but étant de faire croquer les potes.

PB : Ça a été quoi le déclic ?

C&J: A cette époque on zonait chez les disquaires, notamment “Chez Émile” qui nous a poussé petit a petit. Il nous dénichait des bons trucs et un jour il nous a proposé de participer à un event. On était frileux mais on regrette rien, c’est de là que tout est parti. C’est lui qui nous a trouvé notre nom de scène, on savait pas quoi mettre et il a collé nos deux prénoms. 

PB : Votre délire c’est le vinyle, mais vous faites comment ?

C&J : (rires) Pour en trouver ? C’est là que ça devient un sport, il faut zoner les disquaires être à l’affut des occases. C’est là qu’on est content d’avoir des potes comme Émile, qui sont distributeurs et qui nous laissent trier dans les arrivages d’occases pour trouver des skeuds largement moins cher que sur Discogs.

PB : Il y a plus de 800 vinyles ici, comment vous financez tout ça ?

C&J : (rires) Tu vas pas nous croire mais en fait on a pu démarrer et acheter des disques en masse quand Jason a gagné plusieurs milliers d’euros dans un tournoi de poker en ligne. Ça paraît assez improbable mais c’est vrai que ça nous a mis bien d’un coup. On était en galère et à 10 euros le disque en moyenne tu fais pas ce que tu veux. Pour le coup c’est assez discriminant.

 

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PB : Vous ne vous bridez pas à utiliser que des vinyles ?

C&J : Aujourd’hui on ne peut pas dire qu’on est 100%  vinyle, parce qu’on se laisse la liberté d’évoluer. T’as des trucs qui n’existent pas autrement qu’en vinyle, mais si le disque est à 700 balles sur Discogs, si tu peux pas l’avoir, bah tu le joues en digital. On préfère ne pas se brider mais on a une affection pour ça, il y a un touché que tu retrouves pas ailleurs. 

J: En plus y’a plein de sons des années 80/90 qu’on peut réutiliser, de la bonne disco qu’on refout dans les mixtapes.

PB: Vous ne composez pas, vous ne créez pas d’œuvre pour l’instant ?

C&J: On n’est pas trop podcast, on essaye mais ça nous intéresse pas vraiment, c’est trop léché. En soirée, c’est l’instant présent. Tu vois défiler les vinyles et tu te dis: qu’est ce qui pourrait faire péter maintenant? Comment je pourrais les assommer avec un truc qui avoine? Ou est-ce que je dois les faire sourire avec un truc un peu funky?

On s’est donné un petit objectif: c’est d’investir dans du matériel pour produire. Une boite à rythme, des synthés… Mais on n’aime pas la composition sur ordinateur, c’est pas notre truc.

PB: Un peu de digging, c’est quoi votre skeud préféré ?

César: C’est dur de choisir mais un truc bien vénère, genre bien bien vénère  c’est J-Zbel “How I Made My Mom & Sis’ My Sexbot Slaves”. Ça c’est production lyonnaise, c’est des mans ils sont déglingués dans leur tête. Ils prônent un peu le do it yourself, « on s’en branle un peu des autres ». Et en gros c’est un bon track acid !

 

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Jason : Tu fous la mort, y’en a trop, je sais pas par où commencer. Mais je prendrais Midnight Hours de Delano Smith, essentiellement par ce que j’ai mis un moment à l’avoir ! Je pouvais pas l’acheter parce qu’il était trop cher sur Discogs et au final il est tombé chez Émile ! 

 

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PB: Avec internet vous pensez que le trinôme DJ/label/disquaire va subsister ? 

C&J: En fait on s’en était éloigné pendant un temps mais on y revient, c’est le retour de la distribution à l’ancienne. Mais c’est sûr qu’il y a 15 ans, quand Pioneer a sorti ses premières CDJ, tout le monde s’est mis au digital et a court-circuité les circuits de distribution « classiques ». Tout le monde est devenu un peu DJ et pour se différencier, il y a eu retour au vinyle. Mais je pense que les labels et les disquaires ont autant besoin de nous que nous avons besoin d’eux.

PB: Est-ce que c’est parce que le vinyle est intemporel ? 

C: Je pense qu’il y aura toujours des gens pour mixer sur vinyle. Y’a les amateurs du son, y’a les amateurs de l’objet même. Quand tu poses 10 euros pour ton bout de plastique, c’est un cadeau que tu t’es fait. C’est une manière de matérialiser la musique !

PB: Il y a une ambition plus grande derrière votre projet?

C&J: Pour l’instant, on ne peut pas dire qu’on est des pros. On veux rester modeste et ça nous paraît loin. On a une petite notoriété mais c’est très fictif. On reçoit des propositions mais on ne s’emballe pas. On ressent cette notoriété par nos potes et par des connaissances et j’ai pas l’impression que ça porte plus. Mais si on a l’occasion d’apporter quelque chose, alors oui y’a de l’ambition ! 

PB: Comment vous vous différenciez?

C : Moi j’ai une petite théorie. C’est que par rapport a plein de collectifs qui se sont déchirés le cul a organiser des soirées, nous on a pris un chemin inverse en se faisant des contacts et en créant une discographie petit a petit.

PB: Vous pensez qu’il faut être branché avec des assos pour avoir des dates?

C&J: Nous ça s’est fait doucement, on collabore avec des assos mais on ne se réserve pas. On s’est crée notre réseau sans intérêt particulier derrière. Et on ne va pas demander l’aumône aux assos.

PB: Vous nous feriez pas une petite mixtape pour les lecteurs de Paperboys ?

C&J: Mais carrément!

 

https://soundcloud.com/paperboys_fr/mix-cesar-jason

 

Antoine